d'"entre les murs" à "dans le mur"
22/02/2009
Voici une note un peu longue…Elle reprend une partie du point de vue que j’avais publié en octobre 2008 après une projection du film "entre les murs" au cinéma les "3 cinés Robespierre » à Vitry sur Seine, (vendredi 24 octobre 2008). Cette diffusion avait alors donné lieu à un échange entre les spectateurs et une universitaire, spécialiste en audio visuel.
Avec la cérémonie des Oscars, c’est l'occasion de préciser quelques remarques.
Incontestablement le film est intéressant en terme de "performance". Le choix du jury du festival de CANNES 2008 et l’intérêt porté par les Oscars est certainement justifié pour des critères cinématographiques, je n’ai pas à en juger, mais également au regard de l’intérêt porté par notre société à l’éducation et spécialement au sein des collèges.
Les « réflexions » qui s’expriment dans les lignes ci-dessous ne sont pas des critiques à l’égard de l’œuvre cinématographique présentée. Elles sont une invitation à l’échange sur quelques enjeux du collège.
Les conditions d’encadrement notamment avec l’exigence de personnels qualifiés de vie scolaire, la question des rythmes scolaires, l’organisation des récréations des permanences et des cantines sont des exigences permanents et demandent une attention plus forte que celle qui est manifestée par les « pouvoirs publics ».
Avec une logique concurrentielle au détriment d’une légitime qualité pour tous, l’Etat se désengage de plus en plus de ces enjeux. Les artifices déployés pour donner l’impression d’une attention portée au soutien scolaire se fait au détriment du volume et de la qualité d’enseignement pour tous. Ainsi, la mobilisation de l’ensemble des citoyens est réellement nécessaire pour la défense de l’école publique au sein des collèges.
Ceci étant, le jeu des acteurs doit être salué, spécialement celui des jeunes qui ont été « professionnels ».
Le film évoque en vase clos des tensions, des difficultés majeures.
La réalité est bien plus complexe.
Le film, « Entre les murs », décrit pour l’essentiel ce qui s’apparente à un « huis clos » entre un enseignant et les élèves d’une classe.
Certes, un professeur est seul pendant 50 ou 55 minutes, face à ses élèves.
Clairement, les tensions ou les violences physiques ou psychologiques peuvent être pire que ce que le film exprime.
Mais, une classe vit avec de nombreux adultes. Parmi ceux-ci, plusieurs enseignants, des surveillants, un ou des conseillers principaux d’éducations, des personnels administratifs et de service, des enseignants documentalistes des personnels de santé, des personnels d’orientation des travailleurs sociaux, quant ils existent et en nombre souvent bien insuffisant; de plus en plus insuffisant avec la politique menée actuellement par le gouvernement. Ainsi les collèges se trouvent sous dotés en personnels éducatifs en charge de la vie scolaire. La se trouve une des clefs principales du malaise perceptible au sein des collèges.
Par nature un film ne peut être exhaustif. En l’espèce, certains des professionnels précités sont absents, ou présents de manière discrète et parfois caricaturale. Les personnes en charge du nettoyage sont montrés en train de « papoter », le gestionnaire est décrit comme quelqu’un de déconnecté, les enseignants s’animent à propos d’une machine à café sans être aussi drôle que dans la bande dessinée « les profs ». Le chef d’établissement n’est pas spécialement en contact avec les élèves, il est essentiellement dans la fonction de mise en oeuvre de la loi, sans témoigner d’une autorité réelle par exemple au vu du déroulement du conseil de classe. Celui-ci est surréaliste avec certains participants qui grignotent « ostensiblement ».
Le scénario décrit un enseignant dont la posture pourrait prêter à réflexion.
Il s’inscrit dans une démarche parfois provocatrice de stimulation des élèves. Il va les chercher dans leurs retranchements et parfois, semble t il dans leur intimité personnelle ou familiale.
L’exercice de l’auto portrait, ou plus simplement d’expression sur un vécu personnel, familial ou collectif est relativement fréquent. Dans ce film, cette technique peu apparaître comme forcée et source de tensions peu nécessaires dans un processus d’apprentissage.
Au demeurant, l’enseignant expose le travail d’un élève, sans que ce dernier ne semble en avoir été informé préalablement, sans son consentement, au mépris du respect du jeune concerné.
Un incident est monté en exergue par l’enseignant qui reproche à un élève son tutoiement alors même que lui même est dans cette posture du tutoiement. Cela peut laisser perplexe.
Dans ce film, l’enseignant semble se situer dans une recherche de « proximité maximum » au prix de joutes verbales au cours desquelles des dérapages apparaissent.
Le huis clos est proche du paroxysme.
Dans le film, une image subliminale tombe dans les stéréotypes à l’égard de l’enseignement professionnel.
Dans une courte séquence, une élève exprime sa volonté de ne pas aller en lycée professionnel au motif qu’elle n’aurait pas d’avenir en suivant cette formation. La création cinématographique n’interdit pas de faire dire cela. Quoi qu’il en soit, la phrase exprimée est livrée, sans réaction de l’enseignant. Telle est le choix du scénariste. A ce stade, qu’il soit permis de dire combien l’enseignement professionnel est un lieu de pédagogie vivante, renouvelée et globalement adaptée aux enjeux d’une formation citoyenne et professionnelle. Nombreux sont les jeunes qui découvrent ainsi un parcours de formation et d’insertion adapté. Il n’est pas douteux qu’en regardant ce film, nombreux sont ceux qui, au-delà d’un collège repoussoir, auront à cœur d’éviter un dispositif de formation de qualité! Au demeurant les projets gouvernementaux de réduire la préparation au bac professionnel à une durée de 3 ans au lieu de 4 ans peuvent être vécus comme une volonté de raccourcir, pour l’Etat, le coût des formations concernées plutôt que d’offrir un parcours progressif d’acquisition de connaissances et de savoir faire et parfois de « savoir être ». Si le Bac professionnel peut pour certains élèves être accessible en 3 ans, la généralisation de cette durée de 3 ans est bien un obstacle supplémentaire pour de nombreux jeunes.
La chute, décrivant des élèves qui pensent n’avoir rien appris, doit faire réagir
La fin du film qui montre les jeunes questionnés, de manière vague, sur ce qu’ils ont appris au cours de l’année, ne relève-t-elle pas d’un stéréotype selon lequel le collège ne permettrait pas d’acquérir des connaissances et une formation. Avec ce type de questionnement, le film montre naturellement des jeunes en difficulté pour prendre du recul et pour mesurer eux même la diversité des apprentissages dont ils ont bénéficié. Le spectateur risque bien de nourrir sa conviction que décidemment on n’apprend pas grand-chose dans un collège.
Nous sommes d’ailleurs dans une démarche gouvernementale qui vise à faire croire que les établissements qui accueillent des élèves en difficulté scolaire sont des mauvais établissements. Au lieu de développer des moyens différenciés adaptés aux réalités, afin de permettre un enseignement de qualité pour chacun, le gouvernement encourage la logique de compétition qui abouti à un accroissement des inégalités spatiales et sociales et un renforcement des « ghettos ».
Il s’agit, certes, d’une œuvre artistique probablement intéressante. Mais qu’il soit émis le vœu qu’elle permette à notre société d’accorder plus d’attention à l’éducation nationale en générale et aux collèges en particuliers.
Que les images et le son soient également une invitation à la réflexion et à l’action.
J’en doute, au regard de l’attitude adoptée par l’Etat, vis-à-vis des collèges, depuis le festival de Cannes…..
En quelques mots : ce film est bien entendu intéressant mais, ouvre t il bien à la réflexion et au débat ?
Il ne doit pas enfermer dans des appréciations stéréotypées et il doit être support à une réflexion pédagogique et une invitation à l’expression de légitimes exigences vis à vis d’un gouvernement qui brade le service public de l’éducation nationale!
Je ne porterais donc pas d’appréciation sur l’oeuvre cinématographique. Je me dois simplement d’indiquer que ce film est un reflet bien pâle et déformé de la réalité.
Il ne peut que motiver ceux qui entendent défendre et construire un système éducatif républicain, soucieux de gratuité, de laïcité et de qualité en refusant l’enfermement stérile imposé par le « gouvernement SARKOZY » qui ne prêche que pour une logique concurrentielle. En France nous sommes maintenant face à un refus de mettre plus et mieux en terme d’enseignement et d’éducation au sein de l’enseignement public pour la formation des citoyens du monde et spécialement auprès de ceux qui sont issus de milieux sociaux défavorisés.
Délibérément, en raison d’un refus de réponse de qualité, avec la casse du collège, instrument privilégié de la cohérence Républicaine, l’Etat contribue à l’éclatement de la société et de la République. Des parents, des enseignants, des élus entendent ne pas laisser faire ! Ils refusent de passer d’un enfermement « entre les murs » à une logique qui conduit « dans le mur ».
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